Rond point case- Bi : Un marché pas comme les autres
Situé entre l’unité 8 des parcelles assainies, le marché Dalifort et la station d’essence Shell de la même localité, le rond point Case Bi abrite chaque soir un marché spontané de vendeurs de téléphones portables unique en son genre. Dans ce coin de la banlieue dakaroise, l’informel est sans borne. Il est vingt heures, l’astre du jour a fini de disparaître derrière l’énorme bâtisse blanche qui surplombe le carrefour, lampions et lampadaires s’allument tous d’un coup comme par enchantement. Les vendeurs d’eau fraîche disparaissent peu à peu, des groupes d’hommes commencent à se former tout autour du rond point. Ne surgissant de nulle part, téléphones portables, gadgets électroniques et autres pacotilles s’offrent à perte de vue. Les marchandages vont bon train. « Qui veut un portable flambant neuf, double puces, bluetooth, photo. Ce n’est pas cher, prix chinois », s’écrit sans cesse un jeune homme, sac au dos. Quelques mètres plus loin un autre guette l’arrivée des clients. Il gesticule, effectue des va et vient incessants et s’assoit sur le pavé du trottoir l’air exténué. « Je viens ici chaque soir, je n’ai pas la chance d’aller à l’école et je peine à trouver un boulot, alors je revends des portables pour survivre au moins », confie t- il avant d’ajouter : « il m’arrive de rentrer bredouille, mais, parfois je m’en tire mal ».
Un passant attiré par l’affluence s’approche aussitôt, il est entouré par les vendeurs chacun vantant la qualité de ses call (téléphones portables). Le tintamarre est total. Coups de klaxon, éclats de voix et la musique provenant des cantines de l’autre côté du rond point inondent les tympans et rendent les discussions quasi inaudibles. « Je voulais juste avoir un idée sur la nature des portables ici vendus, mais ces gens là sont trop désordonnés » regrette un client vraisemblablement pas habitué au marché noir. Tous debout comme des sentinelles, les vendeurs et revendeurs s’affairent jusqu’à la station d’essence pour dénicher des clients parmi les automobilistes. Certains plus futés s’improvisent même laveurs de pare- brise et profitent de l’occasion pour exhiber leurs portables. L’effervescence s’amplifie, on discute dans tous les sens. Il est 21 heures l’heure de pointe du « market » (comme ils appellent communément le marché). « Je voulais un portable pour ma sœur, je lui avait promis. Il parait qu’ici il y en a pour toutes les bourses. Je sais que la qualité fait défaut mais par ces temps qui courent l’argent est introuvable » informe une cliente. Le soucis de la qualité tant décrié de leurs marchandises et les descentes récurrentes de la police sur les lieux brisent l’espoir de ces centaines de chômeurs livrés à eux-mêmes et ne trouvant pas d’autres alternatives pour gagner honnêtement leurs vies. « Presque chaque soir vers les coups de minuit ou même avant la police vient faire des rafles ici et si par malchance on t’arrête, tu paie 10000 FCFA en plus de passer la nuit au commissariat. C’est trop sévère pour nous » se désole un vendeur. Une pile de portables de diverses marques à la main, il sirote calmement son café et poursuit : « les choses sont devenues très sérieuses à Dakar c’est pourquoi en plus de ce petit commerce nous exerçons d’autres tâches pour essayer de s’en sortir ». Un peu à l’écart un homme vêtu d’un treillis décoloré discute avec un acheteur. « Mets ta puce et je t’appelle tout de suite, tu verras que la tonalité est bonne et l’écoute audible ». « Juste 25000f pour toi » ajoute t-il après avoir réussi l’essai. « Est-ce que tu as le chargeur »demande t-il en sortant de sa poche cinq billets de 5000fcfa. Le temps passe et le marché se vide lentement. Place aux tas d’ordures et d’immondices qui jonchent le sol. Rendez- vous pris le lendemain soir pour un autre marché noir aux portables toujours plus noir et plus animé.
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